« Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. »
Charles Baudelaire, « Correspondances », Les Fleurs du mal (1857)
Le LAAC souffle ses 40 bougies !
Pour cet anniversaire, le musée revient aux principes de sa création en mettant à l’honneur les artistes de la collection et en invitant treize artistes, qui chacun dialoguera avec des pièces historiques de son choix.
L'association L’Art Contemporain, fondée par Gilbert Delaine, à l'origine du LAAC, a reçu carte blanche pour le choix des oeuvres exposées dans la dernière salle.
Seront notamment mis à l’honneur les principaux artistes donateurs du musée mais également un ensemble représentatif de la première donation de 1981 !
Cette exposition aux dimensions exceptionnelles, bouleversant tous les espaces du LAAC, sera accompagnée dans le Cabinet d’arts graphiques de L’Album du LAAC, une présentation documentaire de la vie et des coulisses du musée, de l'acquisition ou de la restauration d’une oeuvre jusqu’à la présentation de ses actions de médiation au public.
Trois éditions viendront accompagner l'événement : une publication FALC (Facile à lire et à comprendre), un catalogue destiné au jeune public ainsi que le traditionnel catalogue d’exposition qui sera augmenté d’un abécédaire retraçant l’histoire du LAAC et d’un catalogue sélectif et thématique mettant en avant 40 oeuvres emblématiques de la collection.
L’ARTISTE :
Marianne Mispelaëre (Isère, 1988) s’intéresse à la structure du langage et aux relations sociales. Sa démarche évolue entre photographie, vidéo, installation et action performative, appréhendées comme des pratiques de dessin au sens large.
LA COLLECTION :
L’architecture de Jean Willerval (Tourcoing, 1924-1996) Le travail de Marianne Mispelaëre prend place en dialogue direct avec l’architecture du musée et plus particulièrement sa lumière naturelle. Ce bâtiment, à plan centré organisé autour du forum, est un lieu de rencontre, entre l’art et le public mais également entre l’architecture et le jardin, la contemporanéité et l’histoire, l’espace et la lumière. Quelques œuvres, faisant écho aux recherches de l’artiste sur les formes géométriques dessinées par la lumière, ont également retenu son attention dans notre collection : Aglaé Libéraki (Athènes, 1923- 1985), Gottfried Mairwöger (Tragwein, Autriche, 1951-Vienne, 2003) ou Auguste Herbin (Quiévy, 1882-Paris, 1960)…
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
«Lors de ma première visite au LAAC, j’ai été impressionnée par l’architecture du bâtiment, notamment par la façon dont elle permettait à la lumière d’y pénétrer. Des formes lumineuses apparaissent et disparaissent dans l’enceinte du LAAC, pourtant invisibles aux yeux de ses usagers et usagères. Les différentes expériences que je propose tentent d’enregistrer ces “instants de dessin”. […] J’ai vu ces formes comme une expérience de dessin menée conjointement par l’architecture et le soleil. […] En avril 2021, soit six mois avant l’ouverture de l’exposition, je suis venue répertorier certaines de ces formes projetées. Une dizaine ont été utilisées pour réaliser des dessins in situ à l’encre. Tout au long de l’exposition, la lumière du soleil viendra jouer avec ces dessins muraux, pour venir s’y réinstaller naturellement vers la fin de l’exposition, en avril 2022. L’une de ces formes lumineuses a servi à la construction d’une œuvre vidéo.»
L’ARTISTE :
Charlotte Denamur (Paris, 1988) envisage la peinture comme une expérience physique et sensorielle de la couleur dans l’espace. Elle travaille le plus souvent au sol avec des jus colorés.
LA COLLECTION :
Noël Dolla (Nice, 1945) Sans titre et Tarlatane rouge, 1976, encres de couleur sur tarlatane
Inscrit dans une démarche, partagée avec les autres artistes du groupe Supports/Surfaces, remettant en question la peinture traditionnelle, Noël Dolla tente de se passer de la toile opaque et tendue sur châssis accrochée au mur au profit de longs tissus flottants dans l’espace. Ses œuvres illustrent la volonté de l’artiste de faire «éclater l’idée de tableau comme lieu privilégié de la peinture».
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
« Pour cette exposition, j’investis la totalité du sol de l’une des salles du LAAC, que je partage avec Maxime Thieffine, en regard de deux œuvres de Noël Dolla. L’idée est de déplacer la bâche recouvrant le sol de mon atelier dans l’espace d’exposition et d’instaurer un réel rapprochement physique entre le travail de Noël Dolla et le mien. […] Cette exposition conjointe crée quelque chose de nouveau, produit un nouvel ensemble. C’est par l’addition de nos deux visions de la peinture que se crée une installation particulière, par une rencontre presque tactile et charnelle entre deux pratiques qui s’aimantent et forment entre elles des ponts de circulation. »
L’ARTISTE :
Maxime Thieffine (Compiègne, 1973) explore depuis vingt ans l’impact émotionnel et psychique des images sur nos corps, dans une hétérogénéité assumée de registres et de techniques allant de la vidéo-installation au dessin et à l’assemblage. Son travail est centré sur la peinture depuis 2014.
LA COLLECTION :
Eugène Leroy (Tourcoing, 1910-Wasquehal, 2000) Autoportrait, 1973, huile sur toile
Le sujet des toiles d’Eugène Leroy est la peinture. Si paradoxal que cela paraisse, même si le tableau se prête aux thèmes classiques — portrait, autoportrait, nu, paysage… — le motif n’est qu’un prétexte à faire advenir la peinture. La matière accumulée couche après couche prend le dessus sur la scène représentée, à peine identifiable, noyée dans l’épaisseur.
Robert Malaval (Nice, 1937-Paris, 1980) Little Queenie II, 1973, acrylique sur toile
Comme l’évoque le titre Little Queenie II, inspiré d’une chanson culte de Chuck Berry, Robert Malaval rompt les frontières des disciplines artistiques comme celles des styles, des formes, voulant «échapper à l’ennui de la répétition». Avec ses couleurs bonbons et ses motifs aux contours sans contraintes, l’œuvre révèle un plaisir de tracer, agencer, rythmer l’espace vierge de manière improvisée et dynamique, sans dogme et sans principes.
Et aussi des œuvres de Louis Latapie (Toulouse, 1891-Avignon, 1972) et Olivier Debré (Paris, 1920- 1999).
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
«Le point de départ de ma proposition était de faire un lien entre mon approche de la peinture et la manière dont celle-ci est représentée au LAAC. Les deux peintures qui m’ont le plus frappé dans la collection étaient un autoportrait d’Eugène Leroy et une œuvre de Robert Malaval, très différentes dans leur traitement. L’idée était de faire un pont entre ces deux pratiques picturales éloignées et de me situer entre les deux. Il se trouve que ces deux œuvres datent de 1973, mon année de naissance. Ce point d’entrée autobiographique m’a autorisé à aborder ce projet sous l’angle d’un rapport subjectif à la peinture. Je considère les portraits que je présente en regard des œuvres du LAAC comme des autoportraits, des projections d’identités possibles, fantasmées, passées ou rêvées.»
L’ARTISTE :
Dominique De Beir (Rue, Somme, 1964) structure ses recherches autour du point et de la perforation, entre installation, peinture et dessin.
LA COLLECTION :
Christine Deknuydt (Dunkerque, 1967-2000) Ensemble d’œuvres sur papier, 1999-2000
L’œuvre de Christine Deknuydt met souvent en relation le texte et l’image sur un mode poétique. Essentiellement sur papier, ce travail associe de multiples médiums et techniques, notamment des produits chimiques qui rendent l’œuvre SALLE 2 fragile. Cet aspect est la métaphore de l’interrogation de l’artiste sur l’existence. Ces dessins sont les véhicules d’une errance poétique. Ils traduisent une inquiétude et des doutes quant aux conditions de «l’être au monde».
Et aussi des œuvres de Natalia Dumitresco (Bucarest, 1915-Chars, 1997) et Anna-Eva Bergman (Stockholm, 1909-Grasse, 1987).
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
: «Pour cette exposition, je souhaite réunir quatre artistes de générations différentes — Christine Deknuydt, Natalia Dumitresco, Anna-Eva Bergman et moimême —, quatre pratiques de peinture et de dessin a priori plutôt éloignées. L’enjeu est de créer des liens, des connivences entre nous. En choisissant avec soin et précision certaines de mes œuvres réalisées entre 1996 et aujourd’hui, je souhaite créer un maillage entre chaque univers.»
L’ARTISTE :
Diogo Pimentão (Lisbonne, 1973) brouille, dans sa pratique, les frontières entre sculpture, dessin et performance. Recouvertes de graphite, ses œuvres en papier plié prennent l’apparence de sculptures métalliques, massives et minimalistes.
LA COLLECTION :
Gilbert Decock (Knokke, 1928-2007), Yami, 1976, huile sur toile
L’œuvre de Gilbert Decock est profondément imprégnée non seulement par la rigueur des principes de la géométrie, mais aussi par l’étude qu’il a faite de religions et de philosophies tant européennes qu’asiatiques, tant anciennes que modernes.
Bernard Pagès (Cahors, 1940) Sans titre, 1975, encre et décoloration sur papier
La structure du dessin Sans titre de Bernard Pagès est quant à elle héritée de celle d’une tôle ondulée et d’un geste mécanique à l’eau de Javel qui a brûlé le noir du papier. Le papier a mémorisé l’objet et l’acte.
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
«Je conçois ce projet comme une rencontre entre des amoureux de la géométrie et de l’abstraction. Il s’agit de jouer — au sens le plus enfantin possible — avec l’espace d’exposition et l’espace du dessin ou de la peinture. […] Chez Gilbert Decock, des formes réduites à quelques éléments simples font l’objet d’une recherche géométrique qui s’ouvre à la diversité des relations entre ces éléments. Cette recherche presque illimitée d’une œuvre en devenir, rythmée par les variations perpétuelles de la forme, m’a tout de suite parlé. De même pour l’univers de Pagès : l’œuvre choisie est constituée d’éléments très aqueux, dont la fluidité m’a fasciné. Cette œuvre fait allusion à la trace ou à l’empreinte du monde physique, qui est l’une des lignes directrices du type de dessin que je pratique et de l’art qui m’interpelle : l’art comme résidu et le résidu en tant qu’art. […] Mon travail peut sembler abstrait dans son aspect final, mais il ne l’est pas vraiment dans son processus de création, qui se fonde sur le développement d’un geste et est donc très lié à la présence du corps.»
L’ARTISTE :
Pierre-Yves Brest (Quimper, 1967) questionne le «silence obstiné des choses photographiées» à travers des mises en scène singulières.
LA COLLECTION :
Jean Dewasne (Lille, 1921-Paris, 1999) Ensemble d’œuvres en verre, sur soie, sur carte et sur papier
Jean Dewasne privilégie les formes simples aux couleurs vives en aplat dans des œuvres qui rivalisent avec les techniques industrielles modernes. Il met la lumière au cœur des questions picturales en adoptant la laque glycérophtalique, les supports brillants, plastiques et lisses. Selon les mots de l’artiste, «le spectateur va repérer des ensembles/et à partir d’eux faire naître des courants dynamiques : qui donneront à l’œuvre ses significations/il ne devra rien isoler/mais au contraire organiser les liaisons/les filiations d’une forme à l’autre/ entrelacer les positions et les emplacements.»
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
«La puissance du travail de Dewasne réside dans la fine articulation des surfaces géométriques entre elles, dans le soin apporté à la construction, au choix réduit SALLE 3 des couleurs et à leur mise en forme sans profondeur. De cette rigueur tout en contrôle émerge une œuvre sans rigidité aucune, à la fois énergique et d’une suavité surprenante. De mon côté, je produis une photographie qui met le réel à distance. Ma série photographique Parades respecte un strict protocole de prise de vue : frontalité, éclairage de studio, vitre invisible dressée entre l’appareil et le sujet tronqué… […]
J’ai pensé cet accrochage comme une pièce à part entière, où chaque élément participerait à l’ensemble. Je voulais proposer quelque chose à la fois de très sérieux, de ludique et de dynamique. J’ai cherché à mettre en place un jeu de corrélations entre les œuvres peintes, la sculpture et les photographies afin que leurs rapprochements sur un même mur concourent à la création d’un ensemble de surfaces planes résolument abstraites, aux fortes puissances d’attraction. Je pense que je me suis d’autant plus autorisé à produire ce “collage visuel” que Dewasne aimait à réaliser des photomontages mettant en scène ses propres œuvres au sein d’univers urbains à la fois fantasques et irréalistes, mais toujours empreints d’un véritable élan vital.»
L’ARTISTE :
Joëlle Jakubiak (Lens, 1983) inscrit son travail en plein cœur du registre photographique. Son approche minimale privilégie les matériaux bruts, les outils rudimentaires, ainsi que la répétition de gestes simples.
LA COLLECTION :
Gérard Duchêne (Lille, 1944-2014) Journal d’IL, 1989-1990, peinture sur drap imprimé
Conjuguant anéantissement et construction, les œuvres de la série du Journal d’Il, aux pages illisibles, apparaissent comme une métaphore de l’impossibilité de communiquer. L’effacement et la confusion s’associent à l’effet de masse du texte. Les empreintes de plaques de polystyrène gravées à l’acide d’un texte intime laissent une impression de blocs striés de lignes et d’interlignes qui s’organisent comme un jeu de construction.
Et aussi une œuvre de Bernard Pagès.
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
: «Le projet Archéograffi donne suite à une série d’expérimentations réalisées courant 2020. Mes recherches sur le transfert d’images imprimées m’amènent à me confronter maintenant au réel. Je m’intéresse aux paysages urbains, les murs ornés de graffitis m’interpellent, je cherche alors à développer un procédé de transfert adapté. En criblant de trous l’arrière de la toile scotchée sur le graffiti à prélever, je déplace des particules de couleurs. Ce geste répété est réalisé à l’aide d’outils à pointes. L’œuvre Archéograffi qui en découle restitue trois prélèvements in situ accompagnés pour chacun d’eux d’une photographie témoignant de l’absence visible sur les murs.
[…] Pour le travail sur l’oxydation, j’utilise également un procédé de transfert de matière. J’imprègne quotidiennement d’eau une feuille de papier déposée entre deux plaques d’acier : le métal s’oxyde et la feuille s’imprègne progressivement de la rouille produite, jusqu’à devenir la copie conforme de sa matrice. Le papier se rigidifie et prend alors l’aspect du métal usé. À l’inverse, les matrices d’acier, qui au départ étaient très lourdes, s’autodétruisent progressivement. Elles se percent et deviennent aussi fines que de la dentelle. J’aime citer cette phrase du chimiste français Antoine Lavoisier : “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.”»
L’ARTISTE :
Farah Khelil (Carthage, Tunisie, 1980) conjugue dans son travail livres d’artiste, vidéos, dessins, archives et installations avec l’écriture et la recherche théorique.
LA COLLECTION :
Karel Appel (Amsterdam, 1921-Zürich, 2006) On voit marcher toutes les couleurs et Crever l’espace, enjamber le temps, du recueil Appel Circus, 1978, lithographies sur papier d’Arches et gravures sur bois sur papier d’Arches
Appel Circus associe des textes poétiques et des images imprimées tout comme le firent si souvent les protagonistes du groupe CoBrA. Cette édition exemplaire est le fruit de la collaboration avec le graveur Claude Manesse qui lui permit de dépasser la technique gravée pour se placer au croisement de la gravure, de la peinture et de la sculpture.
Et aussi des œuvres de Maurice Marinot (Troyes, 1882-1960) et Marcelle Cahn (Strasbourg, 1895-Neuilly-sur-Seine, 1981)
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
«J’ai choisi ces trois artistes — Maurice Marinot, Karel Appel et Marcelle Cahn — car j’ai trouvé dans leur pratique des affinités avec la mienne. […] J’ai opéré une forme de synthèse entre ces trois artistes et ma propre pratique, en associant à chaque artiste un élément présent dans mon travail : la découpe, l’oblitération, la composition, le rapport texte/image et l’usage de l’archive. Ces gestes interconnectent ces artistes par le biais de mon œuvre, comme des citations ou des références hypertextuelles. J’ai abordé la chose un peu comme une écriture, mais une écriture presque schématique, réflexive.
[…] Mon rapport à l’art a été façonné par une histoire dominante face à laquelle j’étais à la fois disciple et étrangère. J’exprime cette absence par l’incision ou la découpe directement dans l’archive. Cet acte de distanciation par le geste d’enlever, d’éliminer, c’est une manière de m’approprier l’archive de cette histoire. L’étymologie du mot “écriture” est “incision” : c’est à partir de là que j’ai commencé à creuser pour dessiner ou pour écrire. Le creux est pour moi une façon d’écrire sa propre histoire et ainsi d’exister à travers le geste et la trace de cette écriture. Je travaille également par oblitération et recouvrement des images, afin d’orienter le regard vers autre chose que l’illustration, la ressemblance et la représentation. L’absence a aussi une forme.»
L’ARTISTE :
Pour Ludovic Linard (Meulan, 1969), la rencontre structure sa pratique du dessin : une grande partie de sa production graphique se fait «à quatre mains», avec les personnes qui croisent sa route au fil de ses promenades en France comme à l’étranger.
LA COLLECTION :
Pierre Alechinsky (Bruxelles, 1927) et Karel Appel Dessins à quatre mains, 1978, encre sur papier
Les productions collectives constituent pour les artistes du mouvement CoBrA des expérimentations souvent destinées à croiser les champs artistiques et sortir des disciplines traditionnelles. Le dépassement de l’individualisme permet de décupler la puissance créatrice des œuvres faites à quatre mains. Alechinsky et Appel s’y adonnèrent dans une série d’encres à deux pinceaux qualifiés par le premier de «jeu-joute-duo-duel».
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
«C’est en m’intéressant au travail d’Alechinsky, à la fin de mes études, que j’ai découvert les dessins à quatre mains réalisés avec Appel. À ce momentlà, j’avais déjà commencé la mise en place de projets à deux. S’en sont suivis les dessins à quatre mains réalisés avec Christine Deknuydt, puis avec des personnes rencontrées au cours de voyages en France et à l’étranger. Ces dessins d’Alechinsky et Appel ont accompagné mon travail, et pourtant j’ignorais que le LAAC en possédait.
[…] Le dessin n’est pas le déclencheur de la rencontre, il n’en est pas non plus la trace. Il en est seulement le lieu. Il est pour moi le lieu possible de la rencontre.»
L’ARTISTE :
Béatrice Lussol (Toulouse, 1970) développe un univers artistique, peuplé de figures et d’organes féminins drolatiques, qui croise les pratiques du dessin, de la peinture à l’aquarelle, du collage et de l’écriture.
LA COLLECTION :
Michèle Katz (Paris, 1936) Dessins de la série Chronique d’une femme mariée, 1971-1975, encres sur papier
Le travail artistique de Michèle Katz est engagé : la question du corps y est centrale. Son œuvre des années 1970 témoignent de l’effervescence de ses réflexions durant la période visant à concilier art et politique, création et féminisme, intime et engagement. Le corpus des dessins de la série Chronique d’une femme mariée n’est ni un journal intime, ni un récit documentaire : les traits à l’encre cheminent sur le papier pour transcrire des scènes tantôt chimériques, tantôt drolatiques et toujours critiques.
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
«L’idée est de m’associer avec Michèle Katz, lors de l’exposition, sous la forme d’un duo qui génère des échos et des rebonds entre nos deux pratiques. L’aspect “monstrueux” des corps ou des organes dans mon travail correspond à l’élasticité, à la plasticité d’un monde, d’une utopie où tout serait possible; un monde de dessins, où s’engendrer soi-même serait possible, où tout possible est viable. Y compris le fantasme d’une communauté de femmes se remodelant elles-mêmes, ne fonctionnant plus que comme des organes autonomes ou des corps sans organes, des organismes d’eau et d’aquarelle. Je trouve l’écho de cette plasticité dans la si forte et puissante série de Michèle Katz Chronique d’une femme mariée.»
L’ARTISTE :
Cecilia Granara (Djeddah, 1991) s’intéresse aux attitudes culturelles face à la sexualité, aux corps et à l’utilisation de la couleur comme vecteur d’émotions.
LA COLLECTION :
Atila (Budapest, 1931-Paris, 1987) Kali, 1975 et Génie protecteur, 1977, acrylique sur toile
L’œuvre d’Atila, qui a d’abord eu une carrière d’architecte, entretient un lien particulier avec l’espace. Sa peinture donne à voir des espaces indéfinis — intersidéraux — structurés par le chromatisme de l’arc-en-ciel, à la manière de la lumière dispersée par un prisme. L’artiste y met en scène des personnages fantasmagoriques hybrides, aux yeux à la présence obsédante.
Et aussi des œuvres de Christine Deknuydt
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
: «À travers ce projet, je souhaite rendre hommage à Atila et à Christine Deknuydt, dont le travail témoigne d’un esprit mêlé de tendresse, de joie et d’angoisse intenses. Je propose de répondre à leurs travaux par un accrochage associant intuitivement certaines de mes œuvres avec celles de ces deux artistes.
[…] Cette volonté de mettre en lumière le travail de deux artistes moins connus que d’autres dans la collection du LAAC révèle aussi mon attirance pour la position de l’underdog, de l’étranger, de l’exclu, de celui ou celle qui est toujours un peu différent ou qui a moins de visibilité. »
L’ARTISTE :
La pratique artistique de Natacha Mercier (Reims, 1976), entre peinture, installation et performance, questionne la notion de lisière et les limites du visible, par le biais du recouvrement.
LA COLLECTION :
Jürgen Nefzger (Fürth, Allemagne, 1968) Pique-nique sur les bords de la haute Colme, 2007, tirage photographique
Dans une veine documentaire, la photographie de Jürgen Nefzger aborde principalement des sujets relevant d’une interrogation sur les mutations du paysage contemporain. Il dresse ainsi le portrait de notre société et de son mode de vie à travers l’usage et l’occupation du territoire, qu’il soit urbain, périurbain, industriel ou rural.
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
: « Pour ce projet d’exposition, j’ai choisi de travailler en peinture et installation immersive à partir d’une photographie de Jürgen Nefzger de 2007, en étroite collaboration avec l’artiste. Je me propose d’explorer la question suivante : que se passe-t-il à la tombée de la nuit, lorsque les pique-niqueurs sont partis du bord du canal de la Haute-Colme?
[…] Depuis la naissance de mes “presque monochromes” en 2010, je donne à voir par le geste d’effacer, obtenu par la succession de couches très fines de peinture. Recouvrir, c’est chercher une certaine vibration, l’exacte frontière entre l’avant et l’après, la “borderline”. Une frontière, c’est une idée de ligne révélatrice d’une certaine conception du monde idéal, où il existe différentes cellules qui ne se superposent jamais, n’empiètent jamais l’une sur l’autre. Je dirais que je suis à la recherche de cet instant précis d’équilibre. »
L’ARTISTE :
Maya Hayuk (Baltimore, 1969) est connue pour ses grandes peintures murales abstraites, géométriques et colorées.
LA COLLECTION :
Sonia Delaunay (Gradshik, Ukraine, 1885-Paris, 1979). Bord de l’eau – Finlande, 1906, huile sur toile
Précédant immédiatement les premières recherches abstraites de l’artiste, ce tableau de jeunesse s’inscrit dans une période marquée par les peintres fauves français. Sa démarche picturale se porte alors sur l’expression par la couleur. Les tons purs et parfois saturés lui montrent la voie d’un autre mode de représentation, plus radical et plus spontané qu’elle adopte ensuite.
LE PROJET PAR L’ARTISTE :
: « Je souhaite rendre hommage à Sonia Delaunay par une collaboration posthume. J’aimerais créer un espace où le passé, le présent et le futur peuvent être mis sur le même plan.
[…] Je sens que nous avons un lien qui va au-delà des limites de la linéarité du temps. Nous sommes toutes les deux ukrainiennes et je crois que les techniques que sa grand-mère lui a probablement transmises ont joué sur son goût pour les choses faites à la main, la composition, la couleur, le langage codé de l’abstraction et la géométrie — de même que les enseignements de ma grand-mère m’ont inspirée. Elle a dû faire face à bien plus de défis que moi, et je pense souvent à elle comme une des pionnières qui ont ouvert la voie pour rendre ma carrière d’artiste possible. »
Le Lieu d’Art et Action Contemporaine (LAAC) est né du don d’un ensemble exceptionnel d’œuvres d’artistes du XXe siècle à la ville de Dunkerque, par l’association L’Art contemporain, fondé par Gilbert Delaine.
L’accrochage de cette salle, imaginé par les membres de cette association œuvrant toujours, 40 ans après, aux côtés du musée, met en avant des artistes qui ont eu une importance singulière au moment de la constitution de la collection durant les décennies 1970 et 1980. Généreux et convaincus par le projet de Delaine, ces derniers l’ont soutenu en donnant une ou plusieurs œuvres au musée. Hommage leur est ici rendu.
Le mur du fond offre quant à lui une présentation d’une partie de la première donation de 1981 de l’association au musée, donnant à voir tant la diversité que la qualité des premières œuvres acquises.
Le corpus du Cirque de Karel Appel se compose à la fois d’un ensemble d’estampes colorées tirées de gouaches et de sculptures réalisées entre 1976 et 1978.
Les dix-sept sculptures de la parade du cirque rassemblent des personnages réels ou fantastiques : jongleur, acrobate, dompteur, funambule, clown, animaux…
Ils sont pour Karel Appel le miroir du « jeu de l’homme » et du « jeu du monde » où se perpétue l’esprit ludique et ironique du groupe CoBrA. Les assemblages de plaques de bois peints apportent une sensation de mouvement et évoquent le monde de l’enfance.
Le cabinet d’arts graphiques réunit l’intégralité des gravures qui ont inspiré les sculptures en bois polychrome. Les gravures sont accompagnées d’un texte de l’artiste où il affirme que, s’il n’avait pas été peintre, il aurait voulu être clown : « Clown, je veux être comme toi. L’anti-robot! ». Pour l’artiste, ce cirque qui porte son nom est à l’image du monde moderne et de New York, ville de l’expressionnisme et du « plus grand chapiteau du monde ».
Pour + d'informations ou demander le dossier de presse : Valentine Bouriez, chargée de relations publiques des musées de Dunkerque